Mouna et les enfants

Numéro 103

Juin 2001

8,00

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Aguigui Mouna, quoique marié à une certaine époque de sa vie (avant son engagement pour l'utopie), n'a jamais eu de descendance. Pas non plus, de fils spirituel, de neveu admiratif, de cousin émerveillé, de beauf idolâtre, et encore moins d'apôtre, de disciple ou d'élève.

Et pourtant sa famille, n'a jamais été aussi grande, aussi présente. Je ne parle pas seulement de tous ceux qui ont pris le train ou le vélo le jour des obsèques, membres à part entière de la famille Mouna, je prends aussi en considération les anonymes et nouveaux venus dans le monde aguiguiste.

Incroyable mais vrai, moins de deux ans après son départ, des jeunes (ou des moins jeunes) qui n'ont pas connu physiquement Mouna, qui n'ont pas entendu parler de Aguigui via presse ou la télévision, aujourd'hui demandent à lire sa biographie, à voir le film* de ce "drôle de type qui avait raison dans ce qu'il disait “. Nous nous en apercevons dans les salons du livre. Lorsque des inconnus nous demandent la biographie de Mouna à travers les ouvrages* d’Anne Gallois ou Jacques Danois, nous posons timidement la question:

‑ "Vous avez rencontré Mouna ?"

‑ "Pas du tout."

‑ "Alors, pourquoi vous achetez le livre ?"

‑ "Il me semble que ce garçon parlait vrai, qu'il croyait à la vie saine, et j'ai envie d'en savoir plus, c’est tout !"

"L'armée au musée, les soldats troubadours". Les aphorismes d'Aguigui, non seulement font leur chemin mais de plus entrent dans le vocabulaire courant.

 

MOUNA EST VIVANT !

Mouna n'avait pas d'enfant. Il allait de par les sentiers du Quartier Latin, de par les places publiques, de par les festivals d'Avignon, de Bourges et d'ailleurs, de par les rassemblements antinucléaires, à la rencontre des manifestants, des estivaliers ou tout simplement des badauds. Juché sur une poubelle (mise à l'envers pour l'occasion) ou en équilibre sur son vélo aux roues excentrées, il s'adressait à un public spontané. Et toujours au premier rang... se retrouvaient les enfants... qui riaient comme pas possible... de ce pro‑fête amuseur public, qui de plus, haranguait des personnages de pleine actualité : Chirac, Tibéri, Bush, etc.

Il s'adressait "aux chères petites têtes" et il les prenait à témoin pour faire approuver ses diatribes contre les trafiquants‑d'armes‑tueurs‑d'enfants, contre les patrons‑pollueurs‑empoisonneurs‑d'enfants, contre les dictateurs‑affameurs‑d'enfants, et quand, en conclusion, il clamait et réclamait pour les enfants du monde entier "pas de canons, des bonbons", il souleva spontanément le rire des adultes et les applaudissements fournis des petits auditeurs.

Mouna n'avait pas d'enfant, mais des milliers d'enfants de cœur de 4 à 104 ans.

Et aujourd'hui encore, nous, ses amis, ses fidèles, ne sommes‑nous pas ses enfants ? Difficile de se prononcer, difficile d'affirmer, difficile d'analyser... Tout simplement nous sommes de la famille des utopistes avec nos rêves, nos espoirs, nos engagements même s'ils sont de voies différentes.

"Ce type-là avait quelque chose à dire !". Les enfants, ses enfants le savent !

André Desforges

*  “Écoutez Mouna” vidéo (1h26m) de Bernard Baissat.

*  ”Aguigui Mouna” par Jacques Danois (Dossiers d’Aquitaine)

”Mouna : gueule ou crève” par Anne Gallois (Dossiers d’Aquitaine)