Réhabiliter le on ?

Numéro 185

Mars 2017

8,00

Catégorie :

 

On : pronom personnel indéfini singulier (Larousse)

Du temps où j’allais à l’école, notre instit, Monsieur Basile, vêtu de son ample blouse grise en remettant nos rédactions, ne cessait de répéter "Mes enfants, le ON, c’est qu’on l’utilise à toutes les sauces. Avec le ON, c’est qu’on ne sait pas à qui on a affaire, à un homme, à une femme, à l’opinion, Mes enfants, le on c’est qu’on…"

Nous les grands de la classe unique de la Communale, sitôt la récré venue, bras dessus, bras dessous, nous formions un cercle pour que les mioches (les petits) n’entendent pas nos paroles. L’Octave, notre aîné de 14 ans et notre chef, sur un ton sans réplique, décida que "Tire l’Oreille" (c’était le surnom de notre maître) s’appellerait désormais "Léon Cécon". Rires et applaudissements. Soudain, grand coup de sifflet strident, fin de la récré. Monsieur Basile, droit comme un poteau électrique sur le seuil de la classe, tient dans sa main gauche une règle en fer de plus d’un mètre, capable de rompre l’échine de celui qui s’aviserait de quitter le rang ou qui se présenterait avec des mains sales… Chacun regagne sa place et durant une heure, personne et encore moins l’Octave ne pipe mot tant Monsieur Basile nous impressionne et faut bien l’avouer nous émerveille...  C’était du temps où j’allais à l’école !
Devenu instituteur puis professeur puis directeur d’université… je me suis toujours souvenu des conseils de Monsieur Basile en invitant mes étudiants et même parfois mes jeunes collègues à ne parler qu’un français impeccable et correct, débarrassé des pronoms indéfinis et des mots indéterminés. Je n’ai d’ailleurs rien inventé, j’ai simplement suivi les leçons de mes anciens instits.
L’Octave, lui, n’a jamais voulu poursuivre ses études ni quitter son village corrézien. Il a fait une carrière de secrétaire de mairie et a même obtenu de la Préfecture que la rue de la Montagne soit rebaptisée rue «Monsieur Basile, instituteur de la Troisième République». Le premier samedi de chaque mois, son chapeau auvergnat enfoncé jusqu’aux oreilles, il fait danser villageois et touristes, au son de la cabrette ou de la vielle, du violon ou de l’accordéon diatonique. Un chef notre Octave, un vrai, un pur…

Amis de La Gazouillette, si je vous écris en cette veille d’élections présidentielles, c’est qu’on retrouve le ON dans la terminaison des noms patronymiques des principaux candidats, à savoir :

FillON, HamON, MélenchON, MacrON

Problème : faut-il réhabiliter le ON, oui ou non ? La question fait débat, l’Académie française s’en mêle et préconise l’emploi du ON dans les rédactions.

Durant cette campagne 2017, ON a déjà tout vu et tout entendu. Le ON, pronom imbécile, définit celui qui l’emploie disent les uns, magnifie la portée du message en le rendant audible par le peuple renchérissent les autres.
Avec le ON, c’est qu’on ne sait plus qui croire ni pour qui voter ! Tous les statisticiens et les instituts de sondage le confirment. À deux mois des résultats du vote, ON ne sait toujours pas qui aura la charge de diriger la France et comble d’incertitude, on ne trouve pas de ON dans les mots Marine et Le Pen.
ON va tout réformer, ON va tout changer. Faut-il croire le on-dit et se moquer du qu’en-dira-t-on ?
Au vrai, c’est qu’on ne peut pas déchiffrer le non-dit et qu’on ne peut pas savoir ce qui se cache derrière les promesses voire les mensonges des postulants au poste suprême de la République française. ON est bien peu de chose, ON n’y peut rien, ON fait ce qu’on peut, disent les miséreux.
ON les aura, ON les jugera, ON les neutralisera, disent les révoltés.
Quant aux jeunes ne lit-on pas en langage SMS, qu’à leur place (les ministres corrompus) ON aurait fait pareil. ON se serait servi puis ON se serait taillé avec le pognon !
ON se case puis ON se casse. C’est immoral, mais c’est légal (refrain connu).
Désunions, abstentions, punitions, répressions, ATTENTION, ATTENTION, grand risque de désillusions. Votons ! C’est qu’on, mais c’est comme ça !

Votre Félicien-Baptistou de la Gazouille, retraité de l’Instruction publique